Peux-tu nous en dire plus sur ton prochain projet avec nobi nobi ! : l’histoire, comment ça s’est passé… ?
Alors L’histoire s'intitule Kotori et le chant du moineau et le titre original c’est : Le moineau à la langue coupée. Pierre-Alain et Olivier (les éditeurs nobi nobi !) sont venus me voir en me disant : « étant donné que tu es spécialiste en contes bizarres chez nous, après La princesse au Bol Enchanté, on te propose Le moineau à la langue coupée ». J’ai répondu : « avec plaisir ». J’ai donc lu plusieurs versions et il y a pas mal de variations. C’est un conte que l’on pense d’origine mongole et qui s’appelait à la base Le moineau à la hanche coupée et qui a vécu différentes réécritures au cours de l’histoire du Japon. Il y avait plusieurs versions, certaines plus violentes que d’autres. L’enjeu, c’était de retranscrire cette idée du moineau à la langue coupée et de cette blessure qui est forte, tout en gardant la poésie du conte. Ça, c’est également le rôle de l’illustratrice. Voilà comment le projet est né. Moi j’ai vraiment travaillé sur le texte. J’ai proposé la réadaptation selon un certain nombre de pages qui était déjà calibré (ça sera le même format que La princesse au bol enchanté). Je réajuste mon texte selon les illustrations.
Donc tu découvres les illustrations en même temps ?
Je vois par gros bloc, pas pages par pages mais il y a un moment de réajustement dans le processus où en effet, je vois qu’il y a telle chose dans la scène que je ne dis pas. C’est vraiment un travail d’abord sur le texte puis de réajustement en fonction des images.
Donc quand c’est terminé, il faut revoir le découpage,
On ne décale pas énormément, mais il faut voir aussi la quantité de texte par pages. On a parfois beaucoup de chose à dire mais on n'a qu'une page ou deux, il faut donc réussir à calibrer. Voilà pour comment ça s’est passé. Kotori sort au mois de septembre !
Qui s’est chargé des illustrations ?
L’illustratrice s’appelle Shigatsuya (N.B : son site internet est ici. Je suis vraiment fan !). C’est la première fois qu’elle travaille avec nobi nobi ! On va dire que c’est un mélange entre Ein Lee et Shiitake. C’est pas mal dans les tons pastel, beaucoup de lumière. C’est vraiment poétique, j’aime beaucoup ! C’est un style encore différent mais pas trop éloigné de ce que fait Ein Lee. Il y a un vrai jeu sur les couleurs chaudes et les couleurs froides. Je suis fan de ce qu’elle a fait. Il y a une scène où le moineau a la langue coupée, c’est une belle métaphore qu’elle a réussi à mettre en image, ce n’est pas violent, c’est super bien fait.
Et ça s’est passé comme avec Ein Lee (N.B. : Elles ne s’étaient jamais parlé avant la venue d’Ein Lee, l’année dernière).
C’est ça, je n’interagis pas directement avec l’illustratrice. Ça, c’est vraiment le rôle de nobi nobi ! Ils ont vraiment un œil sur la direction artistique que je n’ai pas. En plus, comme je travaille un texte déjà existant, j’ai moins un sentiment de possession que je pourrais avoir sur un texte original.
Justement, est-ce qu’il t’arrive de jongler entre roman et contes ou est-ce que tu sépares chaque travail ? Je suppose que ça doit être difficile d’aller de l’un à l’autre ?
Pas vraiment. Comme il s’agit d’une mission, à chaque fois, assez spécifique. Avec nobi nobi !, c’est un travail d’imprégnation : il faut prendre le temps de lire les différentes versions du conte déjà existantes, de comprendre où ils veulent aller... J’ai ma liberté mais je suis aussi une forme d’exécutante parce que ce n’est pas un projet aussi personnel que je peux avoir avec un roman mais avec nobi nobi ! On compte faire des projets plus personnels ensemble où là, j’écrirais vraiment un texte inédit.
Ton histoire à toi.
Voilà, mon idée à moi, mon concept. On y réfléchit en ce moment.
Et donc il t’arrive de travailler sur deux projets en même temps ?
Je peux jongler mais les contes, c’est plus facile car je peux mettre une semaine entre parenthèse, interrompre le roman. Deux romans, je ne peux pas. C’est un état d’esprit, surtout en fantasy. Après, pour les romans contemporains, je peux les reprendre par touche mais en fantasy, il y a un tel flot d’images, une telle connexion que quand je suis dedans, j’ai du mal à en sortir. Enfin, si j’en sors, je mets un certain temps avant de m’y remettre. J’essaie donc de finir ce que je commence et je m’autorise des parenthèses sur des formats courts comme les contes.
Concernant les contes, est-ce que tu t’inspires de certains auteurs ?
Je le fais vraiment à ma sauce. C’est vraiment une histoire personnelle.
Justement, ce sont des contes pour enfants. Quand tu étais jeune, toi, qu’est-ce que tu regardais à la télé ? Qu’est-ce que tu lisais ?
Alors moi, j’étais fan de Pokémon. Je ne parlais que de Pokémon ! Ça va être bizarre ce que je vais dire mais ce qui m’a fait tomber dans la littérature et les jeux vidéo, ça a été Pokémon, ça a été un peu Princesse Starla et les joyaux magiques, Princesse Sarah, ce genre d’animés qu’on voyait. J’étais donc plongée dans la culture japonaise, manga etc. Je lisais mais j’ai plus eu un choc en image. Après, j’ai découvert les Final Fantasy à l’adolescence et c’est ce qui m’a conduit à la littérature, paradoxalement.
Tu n’es donc pas dépaysée par la Japan Expo ?
Non : je me sens chez moi ! C’est une inspiration. Je pense qu’on est quand même une génération, en tout cas pour les gens de mon âge, à avoir été marqué par tous les mangas, la culture, le jeu vidéo. Tous les JRPG m’ont donné envie de m’intéresser à la narration. Finalement, c’était les jeux vidéo les plus bavards, qui racontaient les histoires les plus prenantes, qui avait une vraie charge au niveau de l’émotion et du coup, je me suis hyper imprégnée de Chrono Trigger, Chrono Cross, toutes ces références là, ça m’a vraiment nourri et je pense que ça me nourrit encore, même inconsciemment.
Donc quand nobi nobi ! t’a proposé La princesse au bol enchanté, tu n’as pas été surprise par l’inspiration japonaise ?
J’adorais leurs albums : j’avais eu l’occasion de les feuilleter en salon, je savais donc ce qu’ils faisaient. Ils ont tout ce que j’adore : ce sont des gens professionnels, des gens passionnés et en même temps des gens perfectionnistes.
Oui tu sais que quand tu fais un projet avec eux, ça va être bien fait.
Voilà et en plus ils sont sympa alors… Nan mais c’est vrai, je sais qu’avec eux, on va aller au bout d’un beau projet avec un vrai fond culturel, une vraie intelligence, ils ne font pas des choses juste comme ça parce que ça va plaire. Ils essaient de travailler le fond, les symboles, il y a une vraie réflexion en amont qui est, je trouve, hyper importante quand on veut faire passer un message à des enfants.
Tu avais découvert quels albums nobi nobi ! ?
Alors, j’avais vu Princesse Pivoine. Je l’ai feuilleté lors d’un salon, c’était celui qui m’avait le plus interpelé.
Ah Ein Lee, tu as dû être contente pour La princesse au bol enchanté.
J’étais ravie. En plus, on a eu l’occasion de se rencontrer l’année dernière, lors de sa venue. J’étais sa petite guide parisienne.
Tu étais la chargée du tourisme !
Oui, enfin, on a fait du tourisme RER. On ne voyait pas grand-chose (rire).
Je crois que j’ai perdu le fil de mes questions… Sinon, tu veux continuer à tout faire, romance, fantasy, conte… Il n’y a pas un genre qui te parle plus ?
C’est vrai que les gens sont souvent étonnés mais, moi, je ne raisonne pas en termes de genre. J’ai une idée, j’ai une histoire. Soit elle s’inscrit dans notre monde, soit pas. Soit elle va avoir une tonalité plus enfantine, soit elle va avoir une tonalité très dure. Par exemple, là, je vais sortir un thriller chez Rageot (Pile ou face, ndrl) et je vais aussi continuer chez Bragelonne. Chez Milady, je vais sortir un roman sur les stagiaires, l’année prochaine, qui est un roman purement contemporain, dans une entreprise, très léger, sans fantastique pour le coup et je m’amuse. Chaque nouveau projet est une bouffée d’oxygène, c’est une tonalité différente. Ça permet aussi de se remettre en question, de prendre du recul par rapport à ce qu’on fait et j’ai vraiment besoin d’avoir cette prise de recul par rapport à mes projets en me disant « bon, tu as fait ce qui nous lie, c’est pas vraiment de la romance, c’est plus un livre sur les relations. C’est assez psychologique, avec une certaine gravité. » Après on se dit « Là, j’ai envie d’écrire quelque chose de plus léger ».
Pour finir, quels sont tes projets ?
Alors le planning : l’année prochaine je sors une trilogie de fantasy chez Syros en jeunesse (N.B. : Souvenirs perdus). Il y a Pile ou face et Kotori qui sortent en septembre et ensuite le roman sur les stagiaires chez Milady et j’aurais d’autres romans fantasy qui vont venir chez Bragelonne qui vont venir plus tard (N.B. : Métamorphoses), sur lesquels je travaille mais il me faudra au moins un an pour finir de les écrire.
Ah oui, donc, Kotori, c’est vraiment une parenthèse. Tu l’as écrit en combien de temps ?
Je l’ai écrit en une semaine à peu près. Ce n’est pas très long, en fait. Il y a le temps de lecture des contes qui prend plusieurs jours, la réflexion. C’est assez dur à quantifier comme ça car on fait pas mal d’aller-retour avec nobi nobi ! Par exemple, si je fais trop de de texte, que j’accorde trop de place à un élément qu’ils ne jugent pas opportun, ou au niveau des planches si ça ne correspond pas au visuel qu’ils avaient.
Donc, en fait, tu écris le texte, ils transmettent et ce sont les illustrations qui sont faites par rapport au texte.
Exactement. Et je pense qu’ils donnent également des annotations particulières sur ce qu’ils veulent faire ressortir du texte.
J’ai vu que tu intervenais dans des écoles. Tu l’as déjà fait pour La princesse au bol enchanté ?
Hélas non, mais je sais qu’il y a des institutrices qui le font étudier. Certaines de mes lectrices de roman l’ont acheté et le font étudier. Du coup, c’est vraiment une piste à explorer pour la suite.
Merci beaucoup, Samantha !
Avec plaisir !
Je remercie beaucoup les éditions nobi nobi ! de m’avoir proposé cette interview et bien sûr je remercie Samantha Bailly. J’ai vraiment passé un excellent moment : un échange super sympa et j’ai appris plein de chose. Que demander de plus ?
Retrouvez Samantha Bailly sur sa page Facebook et sur son site internet.
Et bien sûr, retrouvez tous les albums nobi nobi ! sur leur site !